Le tout premier satellite artificiel, Spoutnik 1, fut lancé en 1957. En 2010, près de 1000 satellites artificiels étaient en orbite autour de la Terre. Aujourd’hui, suivant une augmentation exponentielle, on en compte plus de 2000. Un système de propulsion est nécessaire à bord de ces satellites pour divers besoins (maintien en orbite, prévention des collisions...).

Il existe deux types de propulsion. La propulsion chimique, historiquement la première utilisée, repose sur la combustion d’ergols. Ce système de propulsion nécessite une masse importante d’ergols qui représente une part significative de la masse totale du satellite. Or, dans l’industrie spatiale, le coût de lancement d’un satellite est directement corrélé à la masse du satellite. C’est pourquoi les ingénieurs se sont très tôt intéressés, dès les années 60, à un autre type de propulsion : la propulsion électrique. Celle-ci, bien que moins puissante, permet de réduire significativement la part de la masse du satellite consacrée au système de propulsion.

Les propulseurs électriques à effet Hall sont désormais couramment utilisés et l’ont été avec succès dans l'espace (par exemple le Safran PPS-1350 sur la mission SMART-1 de l'ESA vers la Lune, en 2003). Cependant, malgré des études approfondies, la physique de ces propulseurs n'est toujours pas bien comprise.

L’effet Hall stipule que, lorsqu’un matériau conducteur parcouru par un champ électrique est plongé dans un champ magnétique perpendiculaire à ce champ électrique, alors un second champ électrique, dit champ électrique de Hall, se forme, perpendiculairement aux deux premiers champs (Figure 1).

Figure 1@Noé Clément

Figure 1. Effet Hall - Le matériau parcouru par un champ électrique associé au courant I, est plongé dans le champ magnétique. Les électrons de vitesse subissent alors la force de Lorentz, qui va déporter les électrons vers la partie supérieure du matériau, la chargeant négativement, tandis que la partie inférieure se dépeuple en électrons et se charge positivement. Cette répartition des charges donne naissance au champ électrique de Hall .

Dans les propulseurs spatiaux à effet Hall, un gaz neutre, souvent du Xénon (Xe), est injecté à travers un anneau anodique situé à l'arrière d'un canal de décharge de forme annulaire (Figure 2). Le gaz est ionisé par collision avec les électrons émis par une cathode située à la sortie du canal. Une différence de potentiel est imposée entre l'anode et la cathode, par un générateur de tension, pour maintenir la décharge. Le champ électrique axial qui en résulte, accélère les ions Xe+ pour produire la poussée en sortie du canal. Aux faibles pressions utilisées (généralement de l'ordre de 10-3 mbar ou moins), le libre parcours moyen de l'ionisation est supérieur de plusieurs ordres de grandeur à la longueur du propulseur, et un champ magnétique radial  est donc nécessaire pour confiner les électrons et augmenter l'efficacité de l'ionisation.

Le champ magnétique radial est engendré par des bobines placées autour et au sein du canal d’éjection du plasma (pôles N et S).

L’association du champ électrique  et du champ magnétique radial  donne naissance au champ électrique de Hall , dans la direction azimutale, ce qui permet de confiner les électrons dans le canal. Le champ joue un rôle de barrière magnétique pour les électrons et augmente drastiquement la longueur totale de la trajectoire suivie par un électron depuis la cathode jusqu’à l’anode. De cette manière, la probabilité de collision (e-, Xe) est maximisée, permettant l’ionisation du plasma, en perturbant le moins possible l’accélération des ions.

En effet la présence du champ n’influence que très peu la trajectoire des ions car leur rayon de Larmor (rayon de giration sous l’effet d’un champ magnétique) est très grand devant la taille caractéristique du propulseur mais impacte en revanche grandement la dynamique des électrons. Du fait de leur masse plus faible, leur rayon de Larmor est négligeable devant la taille du canal et les électrons se trouvent donc contraints à enchaîner des trajectoires hélicoïdales très resserrées le long des lignes de champ   (qui sont en bonne approximation des courbes équipotentielles pour les électrons), interrompues par des rebonds le long des parois et par des sauts entre lignes de champ   traduisant la dérive (essentiellement azimutale et faiblement axiale).

Figure 2@Noé Clément

Figure 2. Schéma d’un propulseur à effet Hall & Vue de l’arrière du canal d’un propulseur à effet Hall.

La taille typique de la longueur ainsi que du diamètre du canal est de 10 cm.

Historiquement, les propulseurs spatiaux à effet Hall ont été développés dans la gamme de puissance de 1 kW avec des tensions de décharge typiques de quelques centaines de volts et des courants de plusieurs ampères. Des décennies d'expérience ont permis d'améliorer ces propulseurs pour les rendre plus efficaces. Cependant, en raison de la diversité des missions spatiales, il est nécessaire d'élargir les capacités de puissance des propulseurs. Les propulseurs de grande puissance sont nécessaires pour les missions dans l'espace lointain, tandis que les propulseurs de faible puissance peuvent être utilisés sur de petits satellites. En raison d'un manque de connaissances sur la physique de ces propulseurs, ces mises à l'échelle sont actuellement effectuées de manière empirique (méthode d'essai et d'erreur), ce qui limite l'efficacité des propulseurs nouvellement développés et augmente le temps et le coût de développement. Les efforts actuels se concentrent sur le développement de modèles prédictifs numériques.

Les propulseurs spatiaux à effet Hall demeurent un bon exemple de succès d’ingénierie empirique.

Mise à jour le 20/06/2023

Contact

Noé CLEMENT, Doctorant au Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux