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Phénomènes de lubrification et élasticité in vivo

La lubrification est un procédé permettant de réduire à l’aide d’un fluide les phénomènes de friction entre deux pièces solides en mouvement, et donc leur usure. L’élasticité désigne, elle, la propriété d’un matériau dont la déformation disparaît quand la contrainte à laquelle il est soumis cesse. Ces notions sont largement utilisées dans le milieu industriel et font l’objet de nombreuses recherches, en particulier dans le domaine de la biophysique. Nous allons discuter de deux exemples observés in vivo.

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Lubrification et articulations

Nombreuses sont les personnes qui, en vieillissant, se plaignent de douleurs aux articulations. La maladie associée, l’arthrose, est due à l’absence de cartilage dans les articulations concernées et est donc un exemple à grande échelle de l’impact des matériaux mous dans le contact lubrifié entre solides. En quoi ce matériau mou est-il indispensable ?

Une articulation cartilagineuse est composée de deux os (solides durs) tapissés de cartilage (solide mou) et séparés par une fine couche de liquide synovial (voir Fig. 1a). Cette situation fait partie des contacts lubrifiés entre solides. Le cartilage, ayant la possibilité de se déformer, permet de relâcher les fortes pressions s’exerçant sur l’articulation. À titre indicatif, la force de contact au niveau d’un genou est de l’ordre de la centaine de newtons (un dixième du poids d’une personne de 100 kg) lors d’un simple pas. L’efficacité du cartilage devient incontestable lorsque l’on extrapole cet ordre de grandeur au nombre de pas faits sur une soixantaine d’années avant que des douleurs n’apparaissent.

 

Elasticité et circulation sanguine

De manière surprenante, la rigidité impacte le contact entre des solides sur de nombreuses échelles spatiales et temporelles : des glissements de terrain, roulements industriels ou aquaplanning à l’échelle macroscopique, au mouvement des globules rouges dans les vaisseaux et capillaires sanguins à l’échelle microscopique.

Le cas des globules sanguins constitue un exemple canonique et est illustré Fig. 1b. Les globules rouges se déplacent plus loin des parois que leurs homologues blancs. Ceci est dû à une différence de rigidité : les globules rouges sont plus mous. Mais comment la rigidité intervient-elle ? Par l’intermédiaire d’un couplage entre élasticité et hydrodynamique, dit couplage élastohydrodynamique (EHD). Lorsqu’un globule rouge avance le long d’une paroi, le liquide à l’avant (respectivement à l’arrière) est poussé dans (resp. hors de) l’espace entre le globule et la paroi, engendrant une surpression (resp. dépression) à l’avant (resp. à l’arrière). Le globule est alors déformé, cette déformation conduisant à une force de portance qui éloigne le globule de la paroi. L’éloignement, intimement lié à la faculté du globule à se déformer, dépend donc de sa rigidité.

Plus généralement, la portance EHD a de quoi surprendre. Elle apparaît pour des écoulements visqueux, i.e. pour lesquels l’inertie du fluide est négligeable, i.e. l’inverse d’un avion... Et pourtant, il y a de la portance ! Outre cette portance, les couplages EHD génèrent des effets comme l’effet rétro (effet donné par exemple à une balle de golf pour qu’elle effectue un mouvement vers l’arrière, ce qui permet d’en limiter la progression), la stabilisation d’une trajectoire (effet Magnus similaire à un coup lifté au tennis), etc. Effets traditionnellement réservés aux écoulements inertiels. Dans ce contexte, les interactions élastohydrodynamiques constituent un des thèmes phares, tant expérimentalement que théoriquement, du groupe EmetBrown dans lequel je suis doctorant.

Pour en lire plus au sujet de la portance élastohydrodynamique :

Salez, T., Saintyves, B., Zhang, Z., Bertin, V., & Maali, A. (2021). Une force de portance élastohydrodynamique en matière molle. Reflets de la physique, (69), 10-15.

Figure 1 – (a) Schéma de l’articulation du genou. ©Ludovic Brivady.

Figure 1 - (b) Globules rouges dans un vaisseau sanguin. ©Pixabay through Creative Commons.

Auteur

  • Nicolas Fares

    Doctorant au LOMA